LA TRAVERSEE DE LA MANCHE en MONTGOLFIERE

Olivier CUENOT – Nicolas MAURICE Vol du 6 décembre 2014

Mardi 2 décembre 2014. Voici quelques semaines que nous faisons tourner les modèles numériques météo à la recherche d’une fenêtre météo favorable pour réaliser une traversée en ballon à air chaud entre l’Angleterre et la France. Enfin, une première opportunité se dessine pour le 6 décembre. La prudence est de mise, la fiabilité d’une prévision à 4 jours reste restreinte, l’équipe se met en place pour un possible départ vendredi matin.

Les jours qui suivent sont consacrés à l’étude météo. La tendance se confirme au fil des jours et la préparation du matériel continue en parallèle de nos emplois du temps respectifs.

Un équipage suisse sera de la partie : Arnaud Favre, Thibor Jaggi, Cédric Burri et Pierrick Duvoisin qui participera à nos côtés à cette traversée. Il reste à gérer les plans de vols et le remplissage du gaz du côté anglais. Nous faisons fonctionner nos relations pour nous fournir du propane et trouvons notre bonheur à une heure de route de Douvres en direction de Londres. Notre contact, un pilote anglais, nous confirme par téléphone qu’il nous attend vendredi 5 décembre en fin de journée pour remplir les bouteilles.

Jeudi soir, dernier contrôle météo. La situation reste optimum avec un vecteur nord ouest à 15kt dans les basses couches pour samedi matin, après le passage du front nuageux de vendredi. Le GO est donné jeudi à 20h00 pour partir sur Calais en France. Nous faisons la jonction avec l’équipage suisse sur une aire d’autoroute, 100km avant Calais. Arrivée à Calais, après plus de six heures de route sous une pluie soutenue et un ciel complètement couvert, difficile de croire qu’il fera beau le lendemain !

Nous embarquons sur le ferry après une fouille de la remorque. Le contrôle se passe bien. A bord, nouveau point météo. Le dernier modèle nous donne une direction de vent plus N/N/W, mais la vitesse reste bonne pour la traversée. Elle sera juste un peu plus longue. Tout le monde se détend sur le bateau.

Arrivée à Douvres, le convoi part en direction de Maidstone pour faire le plein des bouteilles. A notre retour à proximité de Douvres, cela fait 15 heures que nous sommes partis… Mais nous avons nos bouteilles pleines et tout est prêt pour le vol.

Petit état de la situation devant la cheminée du bar d’un magnifique petit cottage typiquement anglais, avec les deux équipes réunies. Autour du repas, les discussions vont de plus belles. Autonomie, équipement de nos ballons, anecdotes et rigolades au programme. 22h tout le monde au lit. Le briefing est fixé à 07h00 heure locale.

Après un petit déjeuner copieux, les modèles numériques tournent. La tendance de la veille se confirme. Nous avons des trajectoires plus nord : Ce qui nous laisse longer la côte du Touquet et entrer plus loin sur le continent après environ 90km sur l’eau et un vol estimé à 4h00 environ.

Nicolas propose de confronter ces prévisions à la réalité, en lâchant quelques petits ballons d’hélium à différentes altitudes. Au sol, le cap est au 135°. Direction Calais. La prévision nous donne 180° et nous estimons la vitesse à 200m sol à 20-25 kts en rafales, contre une prévision à 10kts. Le camp est levé rapidement. Le convoi part au pied des falaises, mais le vent dominant sur le plateau génère des gros rouleaux au niveau de ce site, avec un fort retour sur les falaises. Nous décidons de nous replier à l’intérieur des terres. Après avoir demandé auprès d’un agriculteur l’autorisation de décoller de son champ, les deux équipes préparent les ballons. Le terrain est situé dans une petite cuvette, à 1km dans les terres, protégé par quelques arbres. Le vent souffle en rafales toujours plus rapprochées. Il faut partir le plus vite possible.

Nous volons sur un ballon classique, un Cameron Z-105 de 3000m3 avec 210kg de gaz à bord, répartis dans 8 cylindres. Au vu de la nouvelle trajectoire, nous avons pris l’initiative d’emporter plus de gaz qu’initialement. Dans l’ECO ballon de nos amis suisses, un 4100m3, ils partent à 4 avec 120kg de gaz, dans 3 bouteilles de 40kg.

Les deux ballons décollent à quelques minutes d’intervalle avec des rafales de vents à 20/25kt au sol. Il est 09h45 heure anglaise. La vitesse monte très vite dans les premiers mètres. Nous voilà déjà sur la mer ! La transition terre/mer est surprenante. Le spectacle est bluffant, nous découvrons le littoral anglais, le port de Douvres. Ces fameuses falaises blanches sont sous nos pieds et défilent à près de 25kt. On entend les vagues, on croise bientôt les premiers ferries. Bientôt sans références, nous avons l’impression d’être presque immobiles.

Le tracker semble fonctionner avec un point toutes les cinq minutes. Les gens suivent et commentent le vol en direct sur les pages Facebook. Une manière moderne de partager notre aventure ! Avec quelques images transférées par téléphone pour compléter la panoplie.

L’atmosphère est magique. Nous volons à 200 mètres du plan d’eau, l’Ipad affiche 25kt et pointe Calais au 135°. A cette allure, en 40 minutes nous sommes sur les côtes françaises !

Après 30 minutes de vol, notre trajectoire tourne plus au sud, 150° puis au 160°, et finalement au 170°, ce qui correspond aux prévisions météo du dernier modèle. La vitesse se stabilise à 17kts. Nos amis suisses ont préparé une fondue, ils font quelques images, c’est surréaliste.
Deux heures de vol et la tendance continue 180° 15tks. Nous longeons la côte du Touquet à environ 7 nautiques sur la mer. Le paysage est incroyable. Nous sommes sous radar avec le Touquet. Nous montons à 1500 m au milieu de quelques nuages pour voir si les prévisions de notre routeur météo sont justes. La vitesse chute à 10kt avec un cap au 160°. On se laisse descendre pour continuer notre vol vers 800 m.

3h00 de vol. Le Touquet nous bascule sur la fréquence Lille info, la vitesse est toujours de 15kts 180°. Nous naviguons à 800m, c’est le meilleur cap vitesse, après analyse. Si la direction et la vitesse restent stables, nous devons réintégrer les côtes françaises dans 2 heures, soit 1h30 avant la nuit.
Pour le centenaire de la guerre, des enfants de 6eme du collège MONT ROLAND de Dole et des classes CM1, CM2 de SAINT MAIMBOEUF à Montbéliard ont écrit des messages de paix qui ont été mis dans deux bouteilles scellées. Nous nous sommes chargés de lâcher depuis le ballon les bouteilles au milieu de la Manche. Si les courants le veulent bien, la bouteille reviendra peut être un jour sur une plage….

4h00 de vol. Nous sommes transférés sur Paris info. La contrôleuse demande si c’est normal que l’on soit sur l’eau depuis si longtemps avec des ballons à air chaud ! et demande nos intentions. Nous l’informons que nous rentrerons sur les côtes à l’est de Dieppe pour un atterrissage. Apparemment, elle ne voit pas des ballons à air chaud tous les jours dans son espace aérien. Les contacts radios avec les autorités aériennes sont très conviviaux, ils sont plutôt curieux de notre démarche. Sur l’eau un bateau de la SNSM suit notre aventure.

Voler sur la mer si bas est magique. On croise au large de la baie de Somme, l’eau reflète comme un miroir doré dans l’embouchure, l’ambiance est unique, la mer que nous survolons est d’un bleu profond. C’est le calme absolu. Suspendu dans le ciel, le silence contemplatif est de mise à bord, plus un bruit.

Une tentative de discussion avec le bateau de la SNSM avec tentative de rapprochement par la sangle de manœuvre bloquée net dès prise en main par l’équipage nous fait gouter la fraicheur de l’eau. L’équipage a immédiatement relâché et nous avons poursuivi notre vol. La dernière heure de vol est un panache de couleurs, les quelques bancs de nuages qui nous accompagnent sont traversés sous l’horizon par les rayons du soleil, les falaises de Criel-sur-Mer sont d’un jaune éclatant.

Le retour sur la terre ferme est aussi grandiose que le départ. Avec le côté rassurant en plus peut-être. Nous entendons les vagues taper sur la côte, les cris des oiseaux et bientôt les premiers bruits de la civilisation. Les chiens qui aboient, le bruit des voitures, des gens qui nous saluent, des premières maisons de Criel-sur-Mer. Notre vitesse au-dessus des côtes est de 15kts, mais tombe après le passage des premières collines, protégés par le relief, nous posons le ballon debout.

Les recups arrivent quelques minutes après nos atterrissages. Ils ont roulé tout le long de notre vol, pris le ferry, mangé un sandwich sur le pouce. Après 5h20, ils nous retrouvent dans un champ du nord de la France avec un timing qui nous laisse admiratifs. Les deux ballons sont posés à 500m l’un de l’autre, après un périple de 131km dont 127km sur la mer.

Quelques chiffres :

  • Heure de départ: 09:45 UK time
  • Heure d’arrivée: 15:05 (UTC +1)
  • Temps de vol total: 5:20
  • Consommation totale de propane: 147 kg
  • Consommation moyenne 27.6 kg/h
  • Nb. de kg au total: 212 kg
  • Nb. de personnes à bord : 2 – Olivier Cuenot & Nicolas Maurice
  • Nb. de personnes au sol : 4 – Carole Cuenot, Marie Thirode, Claude Maurice & Stéphane Schmitt
  • Durée de vol maximale estimée: 7.30 heures
  • Vitesse max: 47.65 km/h
  • Vitesse moyenne: 24.35 km/h
  • Distance sur la mer 127 km
  • Distance totale: 131.55 km

 

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